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ÉDITO 2003

Le troisième festival international de vidéo expérimentale de Marseille se tiendra du 30 juin au 4 juillet aux Lices - 12, rue des Lices /13007 Marseille.
Ce festival prend donc figure, et cette figure est la plus énigmatique de toutes : le triangle. Essayons donc de rechercher l’unité de cette trinité sur toile.
Expérimental, au sens où il tente d’explorer des voies non encore frayées, ce festival l’est par sa structure et son fonctionnement : plus de 150 vidéos reçues, de tous les continents, 38 sélectionnées, et cependant aucun palmarès. Notre univers n’est pas celui de la compétition. Il y a cependant sélection, celle-ci s’opère selon des critères qui ne relèvent pas de la contrainte rigide mais de la direction suivie par les réalisateurs : il s’agit, dans la difficulté, le débat, l’incessante remise en question, d’essayer de suivre la ligne ténue, mobile et fragile, presque invisible, qui trace les contours de l’expérimental.
D’abord que l’image ne soit pas serve, c’est-à-dire asservie à la représentation, qu’elle soit narrative ou symbolique, simple matériau ordonné à une fin qui l’ordonne et la surplombe, prétexte à performance. Au service de rien d’autre qu’elle-même, sculpture de lumière et de son qui refuse le privilège immémorial de l’oeil, toujours associé aux pouvoirs de l’esprit, comme l’attestent l’ »évidence », ou la « lumière naturelle » des anciens. Nous revendiquons un certain pouvoir d’aveuglement, qui nous fasse retrouver en deçà de la vision la voyance. Se crever les yeux non pour suivre les traces d’Oedipe, mais celles de Tirésias. Une docte ignorance, donc, une ascèse préalable au libertinage des sens, un dépouillement de tout ce qui fait de la vision le sens le plus abstrait, celui qui nous éloigne du monde tout en nous en rapprochant, pour retrouver comme une aube du regard, une aurore de la vision concrète, brute, sensuelle.
Ensuite que le temps de l’oeuvre soit un espace-temps. Qu’elle soit contemporaine d’ellemême et non pas le vestige mémoriel d’une réalité abolie. Nous refusons la trace au profit de l’événement. C’est pour cela que nous sommes fidèles à la salle obscure, à « l’oeuvre au noir » qui naît à chaque projection. Cette alchimie, nous la tenons pour primordiale : avouons-le tout net : nous croyons encore à l’oeuvre. Et la salle de cinéma est pour nous la matrice qui enfante, l’écran qui crée à la faveur des ténèbres.
On comprend mieux dès lors les cinq programmes qui constituent la trame du festival : Temps - Espace - Mouvement - Perception - Sens. Chaque programme sera présenté deux fois dans la semaine, et une vidéothèque à la carte permettra de voir tous les films reçus hors sélection, avec possibilité de projection à la demande.
H.B.